Grand prix de la propagande mars 2008 : le poulet-javel

Les Américains désinfectent les volailles à l’abattoir avec des produits chimiques. C’est le poulet-javel, bientôt dans votre supermarché, et lauréat logique de notre grand prix de mars 2008.

Thierry SOUCCAR – Vendredi 25 Avril 2008

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Vous connaissiez le poulet basquaise, mais connaissez-vous le poulet-javel ? C’est une spécialité américaine. Aux Etats-Unis, une bonne partie des volailles est aspergée ou immergée après abattage dans une solution désinfectante à base de phosphate trisodique, dioxyde de chlore, chlorite de sodium ou solutions de péroxyacides. Objectif : éliminer ou limiter le nombre de bactéries pouvant intoxiquer le consommateur, essentiellement des salmonelles et des campylobacters.

Les poulets ainsi désinfectés aux dérivés de la javel sont interdits d’importation dans l’Union européenne depuis 1997. Pour l’Union européenne, autoriser la javellisation des poulets pourrait servir à masquer des pratiques non hygiéniques dans les abattoirs. L’Union craint aussi qu’une désinfection à grande échelle, de pair avec des carcasses lourdement infectées en raison d’un relâchement des procédures d’hygiène favorise la résistance de la micro flore présente à la surface des poulets traités.

Mais les éleveurs américains font pression pour nous faire profiter de leurs volailles désinfectées.

L’Europe embarrassée

Invitée à donner son avis, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a dans un premier temps ouvert la porte au poulet blanchi. Le 16 janvier 2006, elle a assuré que les substances désinfectantes ne posent pas de risque pour la santé. « Dans ces conditions, poursuivait-elle, l’usage de substances antimicrobiennes sur les aliments d’origine animale peut être reconsidéré. » L’Efsa affichait même une préférence pour l’aspersion des carcasses de poulet, plutôt que leur immersion. Evidemment, les producteurs français se sont étranglés et l’Efsa a été invitée à se repencher sur le dossier.

Les experts ont donc publié mercredi 2 avril 2008 un avis plus mitigé sur les effets potentiels des quatre désinfectants utilisés aux Etats-Unis. L’Efsa devait notamment dire si les substances de décontamination couramment utilisées aux Etats-Unis pouvaient entraîner « une tolérance accrue de certaines bactéries par l’organisme, ou à leur résistance plus forte aux antibiotiques ou autres agents antimicrobiens ». Les experts ont répondu qu’en dépit de longues années de cette pratique, rien ne permet de penser qu’il en va ainsi. Ils ont toutefois demandé des recherches complémentaires. Selon eux, en effet, certaines expériences portant sur d’autres substances que celles utilisées pour désinfecter les poulets laisseraient penser à une résistance accrue des microbes. L’Efsa tente ainsi de temporiser sur un sujet très sensible, la France ayant déjà fait connaître son opposition à la commercialisation de poulet-javel. Mais d’autres pays pourraient se montrer moins regardants.

La manière dont les carcasses de poulet peuvent se contaminer est bien connue. Dans un premier temps, les bactéries sont retenues par un film liquide sur la peau. Ensuite, elles migrent carrément dans la peau. Elles peuvent même se loger dans des sites inaccessibles. Les procédés désinfectants semblent diminuer le nombre de bactéries sans pour autant les éliminer complètement. Leur efficacité dépend surtout du nombre de bactéries présentes à l’origine sur les animaux.

Le phosphate trisodique entre pour 8 à 12% dans la composition des solutions. La solution est maintenue à une température comprise entre 70°C et 130°C. Les poulets y sont exposés par aspersion ou immersion pendant 15 secondes maximum.

Le chlorite de sodium est incorporé à hauteur de 500 à 1200 mg/L et activé par un acide, afin que le pH de la solution ne dépasse pas 3.

Les acides péroxyacétiques et péroxyoctanoïques servent de stabiliseurs aux solutions désinfectantes. L’acide acétique joue le rôle d’acidifiant et l’acide octanoïque de surfactant. Ces deux acides sont souvent utilisés dans les bains refroidissants qui font suite aux procédés désinfectants, afin de limiter les contaminations croisées.

Le plus drôle est que l’Efsa se déclare « incapable » de dire si toutes les substances utilisées dans ce cocktail désinfectant éliminent réellement les bactéries sur les volailles.

Bon appétit !

 

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